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L'affiche de l'exposition attire l'œil : une jeune femme
bamakoise souriante, appuyée sur un transistor, regarde dans le vague. Ce
cliché est à la fois une synthèse de l'esthétique de l'artiste, et une infime
partie de son œuvre. En effet, le photographe s'est fait spécialiste du
portrait, et le tout Bamako est passé dans sa petite cour pour repartir avec
une photo souvenir. Via ce métier, qui tient assez du service public, Seydou
Keita a développé un véritable regard d'artiste. C'est tout cela que l'on retrouve au Grand Palais du 31 mars au 11 juillet 2016.
Il
ouvre son studio de photographie en 1948, à l'âge de 27 ans. Il s'oriente par
passion vers le métier de l'image, aidé par son voisin et mentor Mountaga
Dembélé. Très vite, après quelques essais, il pose les bases de son esthétique,
et n'en changera plus. Il a trouvé sa pâte: un rideau bariolé choisi au hasard
compose la toile de fond du portrait (bien qu'on n'en distingue pas les
couleurs, car Keïta prend des photos uniquement en noir et blanc), et quelques
accessoires sont à la disposition des clients : vestes et accessoires, chaises,
tapis, radios, vélos et mobylettes, et même un service à thé.
"Le
portrait en buste de trois quart, c'est moi qui l'ait inventé."
Individuels,
de famille et d'amoureux, les portraits de Seydou Keïta sont en totale rupture
avec les clichés d'"indigènes" échantillonnés, et diffusés pour la
curiosité des colons. Il met tout en œuvre pour magnifier les clients,
"qui sont des personnes et non pas des sujets d'observation", comme
le souligne l'une des notes : cela passe par le trois quart, en buste ou en
pied. Une grande fraîcheur se dégage des portraits, car Keïta ne faisait en
général qu'une seule prise. Même si la pose est calibrée, avec un sens de la
composition propre à l'artiste – la
position des mains, l'inclinaison des corps, la posture globale évoquant des
jeux de miroir – c'est l'émotion du moment qui est captée. Le regard tendre de
l'artiste et la pudeur mystérieuse des modèles donnent aux photos un parfum
intime et une grande vitalité.

Margot
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