lundi 30 novembre 2015

Les estampes au Petit Palais : une double expo inégale mais divertissante (1)

©PetitPalais.paris.fr
A ceux qui martèlent depuis quinze jours "Il faut continuer à sortir, à se cultiver, à exister !", je réponds bien évidemment "Oui !".  Adopter une douceur de vivre associée à une ouverture d'esprit est plus qu'essentielle. L'exposition du Petit Palais "Fantastique ! L'estampe visionnaire" (visible jusqu'au 17 janvier 2016), où je me suis rendue un jour de grand soleil, était le baume idéal à mon "mal au cœur", car elle créait le dialogue entre deux mondes (picturaux) relativement différents, si ce n'est le format, dans un cadre sublime. Sans tomber dans une attitude bravache – comme ce vieux monsieur complètement idiot qui refusa de se faire fouiller devant moi dans la queue de l'exposition, parce que parait-il, "il n'avait rien à cacher" – je me suis laissée emportée dans les lignes des artistes exposés, dans ces petites histoires qui parlent des grandes, ou l'irréel a sa place, et raconte quelque chose d'un temps passé. Et je me suis sentie vivante.
   
        
©CourtesyofGalleryBeniya 
Deux expositions en une donc, et l'on commence par le Levant. L'artiste Kuniyoshi est un contemporain de Monet, qui l'admirait beaucoup et possédait à Giverny douze estampes  du maître parmi celles d'autres artistes japonais de son temps. Son parcours est expliqué et intégré à une frise compulsant l'histoire socio-politique et artistique des quelques siècles précédant sa naissance et des années suivant sa mort. Cette première partie de l'expo est très riche, et intuitive : avec cette frise, on ne retrouve qu'assez peu de panneaux explicatifs, qui orientent le spectateur juste comme il faut et le laissent découvrir à son rythme l'univers du peintre.

Dans un premier temps, le visiteur découvre de grands mythes illustrés. Ces légendes du folklore chinois réinterprétés, et récits de batailles célèbres sont dessinés sur des planches en bois dessinées en portrait, de 30 cm sur 20 cm environ, où les démons, fantômes et morts vivants sont saisissants. La finesse et la vivacité du trait, des couleurs, ainsi que l'expressivité des sujets en font des ancêtres des personnages de manga, posant les prémices d'un art accessible, porteur d'émotions et très divertissant.

©CourtesyofGalleryBeniya
La deuxième partie de l'exposition est consacrée aux plaisirs d'Edo, avec des portraits des artistes de théâtre kabuki et courtisanes célèbres de son temps, sortes de "posters" où les grands acteurs et les geishas fameuses d'Edo sont croqués de façon reconnaissable. La censure fit que Kuniyoshi ne put plus dessiner ces figures incontournables et sulfureuses de la vie culturelle d'Edo : il les caricatura alors sous les traits d'animaux ! Chats, poissons, grenouilles, en costumes s'il vous plait, qui ne laissent aucun doute sur l'identité des "people" réifiés.

La troisième partie de l'exposition est consacrée aux estampes représentant des paysages typiques d'Edo. Reprenant un motif traditionnel, Kuniyoshi prend en fait le contrepied de cette pratique picturale, en adoptant un regard beaucoup plus surplombant, un trait délié, et s'évertuant à saisir des moments de vie (pêcheurs les pieds dans l'eau, jeunes filles se promenant sur la jetée, vagues déchaînées). En cela, le peintre montre son attachement à sa terre, mais aussi à la pratique naissante qu'est la photographie, et on le rapproche facilement de l'énergie impressionniste.


Magnifique première partie donc, très amusante. J'ai ressenti une sensation de familiarité avec cette époque, via cet hommage artistique très vivant, restitué dans une forme donnant à voir la vie quotidienne des artistes, et des sujets croqués.

Margot

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